Eric Lederhandler
Eric Lederhandler - Photo : DR

Eric Lederhandler : diriger à travers les cultures et les continents. Dans un monde où les frontières nationales deviennent souvent des barrières culturelles, le chef d’orchestre efface ces lignes d’un geste de sa baguette, transformant la portée musicale en un pont entre les continents.

Dans un monde où les frontières nationales deviennent souvent des barrières culturelles, Eric Lederhandler efface ces lignes d’un geste de sa baguette, transformant la portée musicale en un pont entre les continents. Son nom est devenu synonyme de virtuosité, et son histoire n’est pas seulement la biographie d’un musicien, mais une odyssée sonore captivante où chaque mesure est une nouvelle découverte. Imaginez un garçon d’Uccle, en Belgique, dont les doigts pouvaient à peine atteindre les touches du piano. Qui aurait pu imaginer que ces mains dirigeraient un jour des orchestres de Bruxelles à Pékin, créant des toiles musicales qui parlent un langage compris par tous?

C’est l’histoire d’une musique qui ne connaît pas de frontières, d’un homme qui a fait de sa vie une symphonie sans fin, et de la façon dont un seul geste de la main peut changer le son du monde musical. L’odyssée musicale du chef d’orchestre a commencé dans les murs du Conservatoire de Bruxelles, où le jeune Eric s’est immergé dans le monde du clavecin et de la musique de chambre. Mais le destin ne l’avait pas préparé à un rôle de soliste, mais à celui d’inspiration pour des orchestres entiers. Déjà très jeune, il sentait que sa vocation se situait dans un autre domaine de l’art musical.

«Pour moi, la musique a toujours été bien plus que de jouer des notes», se souvient le Maestro. «J’étais attiré par la possibilité d’approfondir ses aspects intellectuels, de comprendre sa structure et sa philosophie.»

C’est cette motivation intérieure qui a conduit Eric à la chaire de chef d’orchestre, un lieu où l’art, l’analyse et la communication convergent. «La direction d’orchestre m’a ouvert de nouveaux horizons», explique Lederhandler. «Ici, je pouvais non seulement explorer la musique dans toute sa plénitude, mais aussi interagir avec d’autres musiciens, échanger des idées. Cela m’a permis de combiner ma passion pour la musique avec mon intérêt pour le travail avec les gens.» Après avoir obtenu son diplôme de chef de chœur, Lederhandler ne s’est pas reposé sur ses lauriers. Il a conquis le sommet du «Wiener Meisterkurse für Dirigenten» sous la direction du maestro Salvador Mas Conde, ce qui lui a ouvert les portes du saint des saints du monde de la musique – la «Grosse Sendesaal» du Funkhaus de Vienne. 1992 marque un tournant dans la carrière d’Eric Lederhandler. Il fonde l’orchestre de chambre «Nuove Musiche», avec lequel il entame sa marche triomphale dans les salles de concert en Belgique et à l’étranger. Mais la véritable percée est à venir : Eric devient le premier chef d’orchestre étranger nommé directeur musical d’un orchestre symphonique en Chine. La palette de ses activités créatives est époustouflante : des opéras en Europe aux orchestres symphoniques en Asie, des conservatoires prestigieux aux projets musicaux expérimentaux. Lederhandler a collaboré avec des musiciens légendaires tels que Frank Shipway et Yuri Simonov, enrichissant ainsi son expérience et élargissant ses horizons musicaux.

Aujourd’hui, Eric Lederhandler n’est pas seulement un chef d’orchestre, c’est un ambassadeur culturel dont la mission est d’unir les peuples à travers le langage universel de la musique. Sa récente nomination comme chef principal du Teatro Goldoni de Livourne ouvre un nouveau chapitre de son illustre carrière, promettant au monde de nouvelles révélations musicales et des expériences de concert inoubliables.

Pour Eric Lederhandler, l’art de diriger est un équilibre complexe entre maîtrise technique et approche psychologique. “Vous savez, être chef d’orchestre est très difficile. Je pense que c’est peut-être 50% de talent musical et 50% de psychologie“, révèle-t-il sa vision du métier.

Un aspect clé de sa philosophie est la capacité à unifier l’orchestre. “La façon dont on peut unifier les relations au sein du groupe est extrêmement importante“, souligne le maestro. Lederhandler comprend qu’un chef d’orchestre n’est pas seulement un leader musical mais aussi un psychologue capable d’accorder le collectif à une seule harmonie. Il souligne l’importance de trouver le juste équilibre entre leadership et respect des musiciens : «Bien sûr, on crée de la musique, mais grâce au talent et à la compétence des autres. C’est quelque chose qu’il ne faut jamais oublier. Il est extrêmement important de garder l’humilité en même temps que l’autorité.»

Cette philosophie permet à Lederhandler non seulement d’obtenir des résultats musicaux élevés, mais aussi de créer une atmosphère de collaboration créative au sein de l’orchestre. Son approche démontre que la grande musique naît non seulement des notes, mais aussi de relations humaines harmonieuses.

Eric Lederhandler ne s’est pas limité à la scène musicale européenne. Sa carrière a pris une dimension véritablement mondiale, devenant un véritable voyage à travers les continents et les cultures.

La Chine occupe un chapitre particulier de ce voyage musical. «Quinze ans en Chine, ce n’est pas seulement une ligne sur un CV, c’est toute une vie», partage Lederhandler. Cette expérience est devenue pour lui non seulement un défi professionnel, mais aussi une immersion profonde dans un environnement culturel complètement différent. «Diriger en Chine, c’est comme se retrouver sur une autre planète», décrit avec vivacité le maestro. «Il ne s’agit pas seulement de musique, mais aussi d’une approche complètement différente de l’organisation, du processus même de création d’un événement musical. Chaque jour apporte de nouvelles découvertes et nécessite de repenser les méthodes de travail habituelles.»

Malgré les difficultés, Lederhandler a perçu cette expérience comme une précieuse école de vie et de développement professionnel. «La Chine m’a appris la souplesse de pensée et la capacité de trouver un terrain d’entente dans les situations les plus inattendues», dit-il. «C’était comme des négociations musicales quotidiennes entre l’Est et l’Ouest.» Cette expérience unique est devenue la clé du succès de Lederhandler sur la scène internationale. «Dans le monde mondial de la musique d’aujourd’hui, il ne suffit pas d’être un bon chef d’orchestre», souligne-t-il. «Il faut être capable d’être un caméléon culturel tout en conservant son individualité créative.» Après des années d’expérience avec des orchestres du monde entier, Eric Lederhandler s’est tourné vers l’art de collaborer avec des solistes. Cette facette de son métier exige une habileté particulière, alliant des capacités techniques de direction à une compréhension subtile de la psychologie des musiciens.

Travailler avec un soliste est une sorte de dialogue musical“, explique Lederhandler. “Le chef d’orchestre agit ici non seulement comme chef d’orchestre mais aussi comme médiateur, créant les conditions idéales pour révéler le talent du soliste“. Le maestro souligne l’importance de la sensibilité et de la flexibilité dans ce processus : “Chaque soliste apporte sa vision unique de l’œuvre. Ma tâche est de capturer cette énergie individuelle et de la tisser de manière organique dans le son global de l’orchestre“. Un exemple frappant de cette collaboration fructueuse a été un récent concert à San Remo, où Lederhandler a travaillé avec la jeune pianiste Alexandra Massaleva. “Cette expérience a été vraiment incroyable“, partage le maestro. “Alexandra, malgré son jeune âge, a fait preuve non seulement d’une maîtrise technique exceptionnelle mais aussi d’une profonde compréhension de la musique de Saint-Saëns“.

Lederhandler souligne particulièrement l’intuition musicale de Massaleva: «Sa capacité à «nager entre les vagues de l’orchestre», comme je l’appelle, est tout simplement stupéfiante. Alexandra possède un don rare pour ressentir l’orchestre, interagir avec lui, créer une toile musicale unifiée.»

Le résultat de cette collaboration a dépassé toutes les attentes. «Cette interprétation du concerto de Saint-Saëns est peut-être l’une des meilleures de ma carrière», admet Eric. «Le talent d’Alexandra, combiné à la profonde compréhension mutuelle entre le soliste, l’orchestre et moi-même en tant que chef d’orchestre, a créé une véritable magie musicale.» Cette expérience a non seulement confirmé la philosophie de Lederhandler sur l’importance d’une interaction harmonieuse entre tous les participants au processus musical, mais a également ouvert de nouveaux horizons dans sa compréhension du travail avec de jeunes talents. «Collaborer avec des musiciens aussi doués qu’Alexandra nous inspire et nous rappelle les possibilités illimitées de l’art musical», conclut le maestro.

Abordant une vision plus large du métier de chef d’orchestre, Eric Lederhandler révèle ses défis et ses joies au quotidien.

«Diriger, c’est l’art de gérer le temps», commence Lederhandler. «Et souvent, le temps manque cruellement.» Il relève la tendance actuelle à raccourcir les périodes de répétition: «Aujourd’hui, les répétitions ne durent que quelques jours. Cela exige une concentration et une efficacité maximales.»

Malgré les contraintes de temps, le maestro trouve une source d’inspiration dans ce défi: «Chaque répétition est une occasion de grandir musicalement. Dès la première minute de travail avec l’orchestre, un voyage passionnant commence, dont le but est d’atteindre le plus haut niveau de performance au moment du concert.» Lederhandler compare le processus de préparation d’un concert à l’ascension d’un sommet : «Nous partons d’un certain point et nous gravissons progressivement les échelons, perfectionnant chaque aspect de la pièce avec l’orchestre. C’est ce cheminement, ce développement que je considère comme le principal critère de réussite.» Le chef d’orchestre évalue en même temps avec réalisme la possibilité d’une performance imparfaite : «Un concert est un art vivant, pas un enregistrement en studio. Les petites imperfections sont inévitables, mais elles ne diminuent pas la valeur de l’expérience musicale que nous créons avec les musiciens et les auditeurs.»

Lederhandler accorde une attention particulière aux caractéristiques acoustiques des salles de concert: «Chaque salle a son propre caractère. Il y a des salles “sèches” où le son s’estompe rapidement, et il y a, par exemple, des églises avec un écho excessif. La tâche du chef d’orchestre est d’adapter le son de l’orchestre à des conditions spécifiques.»

En résumé, le maestro souligne la qualité clé d’un chef d’orchestre à succès : «La flexibilité n’est pas seulement une compétence utile, c’est une nécessité. Il faut être capable de s’adapter à toutes les circonstances tout en restant fidèle à sa vision artistique.»

Le maestro passe ensuite à un aspect plus profond, presque philosophique de son art, aux sources d’inspiration et à la compréhension du véritable succès en musique. “Pour moi, l’inspiration n’est pas un coup de foudre, mais le résultat d’un travail et d’une interaction minutieux“, commence Lederhandler. “Elle naît du processus de croissance musicale, qui commence dès la première seconde de répétition et se poursuit jusqu’aux derniers accords du concert“. Le maestro compare le travail avec un orchestre à la croissance d’une plante rare : “Imaginez que vous ayez une graine d’une œuvre musicale. À chaque répétition, à chaque remarque et à chaque ajustement, elle germe, se renforce et finalement fleurit pendant le concert. Ce processus de croissance, surtout lorsqu’il se déroule en peu de temps, apporte une satisfaction incroyable“. Mais Lederhandler va plus loin, soulignant que la véritable magie se produit lorsque non seulement l’orchestre mais aussi le public ressentent cette croissance : «Un concert n’est pas un monologue, mais un dialogue entre musiciens et auditeurs. Quand vous sentez que le public s’immerge dans la musique, suit chaque nuance, ressent chaque émotion avec nous, c’est là que naît le véritable art.» Parlant des sources d’inspiration hors scène, le virtuose réfléchit : «Chaque expérience de la vie – que ce soit une promenade dans les rues de Pékin, une conversation avec un jeune musicien à San Remo ou la contemplation de l’architecture à Bruxelles – tout cela fait partie de ma vision musicale du monde. Un chef d’orchestre doit être comme une éponge, absorbant la vie dans toutes ses manifestations, pour ensuite transmettre ces impressions à travers la musique.»

En résumé, le maestro formule son credo : «La musique est un langage universel, mais il faut apprendre à le parler tout au long de la vie. Mon inspiration naît d’un désir constant de croissance, de chaque rencontre avec des musiciens et des auditeurs, de chaque nouvelle expérience culturelle. C’est la véritable magie de la direction d’orchestre : être un pont entre le compositeur, l’orchestre et le public, créer un moment où toutes les frontières disparaissent et où seule demeure l’émotion pure de la musique.» Lederhandler ne se contente pas d’interpréter de la musique, il crée des moments d’unité. Qu’il travaille avec un orchestre renommé ou de jeunes talents comme Alexandra Massaleva, il s’efforce toujours de faire de la musique un organisme vivant et respirant qui relie les interprètes et les auditeurs.

«Le plus important, c’est que l’on sente que le public est capable de la saisir», dit-il, et ces mots résument l’essence de sa démarche. Pour Lederhandler, chaque concert n’est pas seulement une interprétation de notes, mais la création d’une expérience partagée où chacun, du premier violon au dernier auditeur dans la galerie, fait partie de quelque chose de plus grand. Ainsi, trait après trait, concert après concert, Eric Lederhandler continue d’écrire la symphonie de sa vie. Et il semble que cette symphonie comporte encore de nombreuses parties non jouées, chacune promettant d’être différente de la précédente.