La menace de l’ultradroite existe bel et bien en France, en Europe et dans le monde ! Réveillons-nous !
Si le président de la République a bien déclaré dans L’Humanité que l’extrême droite dont le RN serait « bien inspiré » de ne pas participer à la cérémonie. La participation, en dépit de nombreuses critiques, Marine Le Pen et Jordan Bardella étaient pourtant bien présent hier, pour assister à la panthéonisation de Missak Manouchian, résistant membre du PCF et apatride. Par ailleurs, tous communistes et internationalistes, ils avaient des valeurs diamétralement opposées au nationalisme défendu par le FN, puis le RN, depuis sa création. Cette présence faisant partie encore et toujours de la stratégie de dédiabolisation du RN, entreprise par Marine Le Pen.
Le Front national, devenu Rassemblement national, a été créé en 1972 par Jean-Marie Le Pen, en compagnie de Pierre Bousquet : un ancien collaborationniste ayant servi dans la division Charlemagne de la Waffen SS. Un ancien nazi, qui fut d’ailleurs le premier trésorier du parti lepéniste, poste qu’il a occupé pendant neuf ans. François Brigneau, qui a été vice-président du FN après avoir fait ses classes au sein de la milice de Vichy. Lire : https://www.contretemps.eu/front-rassemblement-national-le-pen-nazisme-collaboration-vichy-petain/
en 2023, avait jugé que le RN était l’héritier de Pétain. «Je ne crois pas du tout à la normalisation du Rassemblement national. Je pense qu’il ne faut pas banaliser ses idées, ses idées sont toujours les mêmes. Alors maintenant, le Rassemblement national y met les formes, mais je continue à penser que c’est une idéologie dangereuse», avait ainsi déclaré Elisabeth Borne dans un entretien à Radio J.
Rencontre entre Marine Le Pen, Jordan Bardella et Alice Weidel
Il y a des fréquentations plus faciles à assumer que d’autres. Marine Le Pen, Jordan Bardella et Alice Weidel, la coprésidente de l’AfD, ont déjeuné à Paris, le mardi 20 février. Une rencontre révélée par Alice Weidel elle-même, sur X , et confirmée par le RN, auprès du service politique de France Inter. Du côté du parti lepéniste, c’est silence radio.
« On a échangé sur pleins de questions, on a les mêmes solutions », savoure la coprésidente de l’AfD, avant d’ajouter : « je tiens à vous remercier beaucoup pour votre accueil chaleureux à Paris. À bientôt » “Aujourd’hui, j’ai parlé personnellement avec Marine Le Pen et Jordan Bardella. Nous avons discuté de nombreuses questions politiques et avons constaté que nous recherchions les mêmes solutions aux grands problèmes d’aujourd’hui”, a écrit la coprésidente de l’AfD sur X.
“Je considère que nous avons, si c’est le cas, une opposition flagrante avec l’AfD. Et nous serons amenés à discuter, des divergences, et voir si ces divergences ont ou n’ont pas des conséquences, sur la capacité que nous avons à nous allier dans un même groupe”, avait déclaré en janvier Marine Le Pen.
“Je ne veux pas que l’histoire se répète” écrit sur les banderoles, les pancartes et dans les slogans repris par la foule, toujours le même message contre l’AfD, la xénophobie et la haine.
Alors que l’AfD arrive en tête des intentions de vote dans les Länder de l’est de l’Allemagne, des manifestations ont rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes ce week-end. Plus d’un million de personnes ont manifesté, en jnavier, dans une dizaine en Allemagne, contre l’extrême droite, et son parti l’Alternative pour l’Allemagne. Des manifestations qui ont suivi le choc dans le pays après la révélation le 10 janvier d’une réunion de responsables de l’extrême droite pour discuter d’un projet d’expulsion massive de personnes d’origine étrangères.
Les Elections européennes 2024
Pour les élections européennes de cette année avec des sondages en berne pour Renaissance et ses divisions internes, avec le RN en embuscade et Jordan Bardella, les principaux candidats des différentes forces politiques se sont mis en ordre de marche ces dernières semaines et sont sur le terrain : Raphaël Glucksmann pour le PS, François-Xavier Bellamy pour LR, Marie Toussaint pour les écologistes, Manon Aubry pour LFI ou encore Marion Maréchal pour Reconquête.
Il est grand temps que les français se réveillent, et fassent ensemble barrage, à tous les partis d’extrême droite. Car l’histoire nous a appris maintes et maintes fois, que la porosité entre le libéralisme et l’extrême droite met en danger notre démocratie, (lire notamment dans La Croix). La crise démocratique que traverse la France, comme d’autres pays européens confrontés à la montée de l’extrême droite, nous oblige tous à réagir ! Marine Le Pen, présidente en 2027. Cette hypothèse apparaît aussi de plus en plus plausible ! Pour la première fois, les Français sont plus nombreux à considérer que le RN ne représente pas un danger pour la démocratie (45 %) que l’inverse (41 %), et malgré un changement dans les apparences, le RN reste un parti xénophobe et autoritaire. Sur les 3.000 à 3.300 militants de l’ultradroite comptabilisés par les services de renseignement, 1.300 sont fichés S. Au total, d’après le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ce sont ainsi treize projets d’attentats d’ultradroite qui ont été déjoués depuis 2017. Et contrairement à ce qu’affirment notamment les leaders du parti d’extrême droite Marion Maréchal et Éric Zemmour, l’ultradroite représente un danger dans le pays. Partout en Europe l’extrême droite et les droites radicales, propagent leurs idées sur fond de crise sociale et économique. Mensonges et fausses idées sont mobilisés pour des programmes démagogiques, xénophobes, liberticides et anti démocratiques. Il est vraiment temps pour tous de réagir.
Le discours hier du Président de la République sur le courage du groupe de Missak Manouchian. Un Missak Manouchian survivant, apatride, ouvrier, poète, héros de la Résistance… mort pour la France, répond en partie à nos graves problèmes que pose l’extrême droite, et son horreur. Il serait bien que ces faiseurs de haine et de guerre, relise ce discours encore et encore. Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Le Président Emmanuel Macron a présidé la cérémonie d’entrée au Panthéon de Missak Manouchian et de ses camarades de résistance ce mercredi.
C’est la seconde fois, après Joséphine Baker en 2021, qu’entre au Panthéon une figure qui n’est pas née française et qui pourtant a fait le choix de la France, de combattre pour défendre ses valeurs universalistes et républicaines, au péril et au prix de sa vie.
Entre au Panthéon la résistance communiste et étrangère dont était issu le groupe Manouchian. Leurs visages ornèrent l’Affiche rouge. Ces camarades de combat qui furent fusillés ensemble le 21 février 1944, rejoignent les résistants qui y reposent déjà avec l’entrée de Jean Moulin en 1964 puis de Pierre Brossolette, Jean Zay, Germaine Tillion et Geneviève Anthonioz de Gaulle en 2015.
Au-delà du groupe Manouchian, un travail de reconnaissance de tous les résistants fusillés du Mont-Valérien a été réalisé à la demande du chef de l’Etat, afin qu’ils se voient tous attribuer la mention Morts pour la France
Discours du Président de la République lors de l’Hommage solennel de la Nation à Missak Manouchian.
Est-ce donc ainsi que les Hommes vivent ?
Des dernières heures, dans la clairière du Mont-Valérien, à cette Montagne Sainte-Geneviève, une odyssée du vingtième siècle s’achève, celle d’un destin de liberté qui, depuis Adyiaman, survivant au génocide de 1915, de famille arménienne en famille kurde, trouvant refuge au Liban avant de rejoindre la France, décide de mourir pour notre Nation qui, pourtant, avait refusé de l’adopter pleinement.
Reconnaissance en ce jour d’un destin européen, du Caucase au Panthéon, et avec lui, de cette Internationale de la liberté et du courage. Oui, cette odyssée, celle de Manouchian et de tous ses compagnons d’armes, est aussi la nôtre, odyssée de la Liberté, et de sa part ineffaçable dans le cœur de notre Nation. Reconnaissance, en cette heure, de leur part de Résistance, six décennies après Jean Moulin.
Est-ce ainsi que les Hommes vivent ? Oui, s’ils sont libres. Libre, Missak Manouchian l’était, quand il gravissait la rue Soufflot, en fixant ce Panthéon qui l’accueille aujourd’hui. Libre, sur les bancs de la bibliothèque Sainte-Geneviève à quelques mètres d’ici, découvrant notre littérature et polissant ses idéaux. Libre avec Baudelaire, dans le vert paradis qui avait le goût de son enfance, dans une Arménie heureuse, celle des montagnes, des torrents et du soleil. Libre avec Verlaine, dont les fantômes saturniens croisaient les siens : son père, Kévork, tué les armes à la main par des soldats ottomans, sous ses yeux d’enfant, sa mère Vartouhi, morte de faim, de maladie, victimes du génocide des Arméniens, spectres qui vont hanter sa vie.
Libre avec Rimbaud, après une saison en enfer, souvenirs partagés avec son frère Garabed. Mais voici les illuminations, les Lumières, celle qu’un instituteur de l’orphelinat, au Liban, lui enseigna. Eveil à la langue et à la culture françaises. Libre avec Victor Hugo et la légende des siècles, gloire de sa libre patrie, la France, terre d’accueil pour les misérables, vers laquelle Missak l’apatride choisit à dix-huit ans de s’embarquer, ivre, écrivait-il « d’un grand rêve de liberté ».
Lui, Missak, « maraudeur, étranger, malhabile » pour reprendre les mots d’un autre poète, combattant qui choisit la France, Guillaume Apollinaire. Etranger, orphelin, bientôt en deuil de son frère tombé malade, et pourtant à la tâche, ouvrier chez Citroën, quai de Javel, licencié soudain, tremblant parfois de froid et de faim.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Ainsi, le soir après l’usine, Missak Manouchian étudie. Ainsi, sous les rayonnages de livres, Missak Manouchian traduit les poètes français en arménien. Ainsi écrit-il lui-même. Mots de mélancolie, de privations, brûlés du froid des hivers parisiens. Mots d’espoir aussi rendus plus chauds par la fraternité des exilés, par la solidarité de la diaspora arménienne, par le foisonnement d’art et de musique, des revues et des cours en Sorbonne.
Poète et révolté. Quand les ligues fascistes défilent en 1934 au cœur de Paris, Missak Manouchian voit revivre sous ses yeux le poison de l’ignorance et les mensonges raciaux qui précipitèrent en Arménie sa famille à la mort.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Non. Alors, Missak Manouchian embrasse l’idéal communiste. Convaincu que jamais en France on n’a pu impunément séparer République et Révolution. Après 1789, après 1793, il rêve l’émancipation universelle pour les damnés de la terre. C’est ainsi que Missak Manouchian s’engage contre le fascisme, au sein de l’Internationale communiste, et bientôt à la tête d’une revue, Zangou, du nom d’une rivière d’Arménie. Espoir du Front Populaire, volonté d’entrer dans les Brigades Internationales pour l’Espagne, action militante.
C’est ainsi que Missak Manouchian trouve l’amour : Mélinée, enfant du génocide des Arméniens comme lui ; Mélinée, protégée par l’amitié de ses logeurs, les Aznavourian, parents de Charles, dix ans alors, déjà chanteur. L’amour, malgré le dénuement, ignorer le passé, conjuguer le futur, l’amour fou. Je vous parle d’un temps que ces gens de vingt ans, Missak et Mélinée, ont tant aimé connaître.
Libres en France, ce pays que Missak a choisi adolescent, qui lui a offert des mots pour rêver, un refuge pour se relever, une culture pour s’émanciper. Alors, Missak Manouchian hisse haut notre drapeau tricolore, lors des 150 ans de la Révolution, en 1939, quand il défile dans le stade de Montrouge. Alors, pour servir ce drapeau, Missak Manouchian demande par deux fois à devenir Français. En vain, car la France avait oublié sa vocation d’asile aux persécutés.
Alors, quand la guerre éclate, Missak Manouchian veut s’engager. Ivre de liberté, enivré de courage, enragé de défendre le pays qui lui a tout donné. « Tigre enchaîné », selon ses mots de poète, dans les prisons où le jettent la peur des étrangers, la peur des communistes, sous les miradors du camp allemand où il est détenu, en 1941, et où Mélinée vient contre tous les périls lui apporter des vivres.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Oui, au prix du choix délibéré, déterminé, répété de la liberté. Car dans Paris occupé, Missak Manouchian rejoint la résistance communiste, au sein de la main d’œuvre immigrée, la MOI. Il se voulait poète, il devient soldat de l’ombre, plongé dans l’enfer d’une vie clandestine, une vie vouée à faire de Paris un enfer pour les soldats allemands. Guerre psychologique pour signifier à l’occupant que les Français n’ont rien abdiqué de leur liberté. Encore, toujours, « ivre d’un grand rêve de liberté », Missak Manouchian prend tous les risques. Lui qui aime aimer se résout à tuer. Comme ce jour de mars 1943 où il lance une grenade dans les rangs d’un détachement allemand.
Est-ce ainsi que les hommes rêvent ? Oui, les armes à la main. Et d’autres sont là, à ses côtés, parce qu’ils sont chassés de la surface du monde et ont décidé de se battre pour le sol de la patrie. Parce que nombre d’entre eux sont Juifs, et que certains ont vu leurs proches déportés : Lebj Goldberg, Maurice Fingercweig, Marcel Rajman. Parce ce que la guerre a volé leurs écoles et leurs ateliers, dans ce Paris populaire et ouvrier où le français se mêle à l’italien ou au yiddish. Parce que les forces de haine ont volé leur passé, là-bas, en Arménie, tel Armenak Manoukian. Parce que ce sont les femmes qui veulent œuvrer pour l’avenir de l’Homme, comme Mélinée, comme la Roumaine Golda Bancic, comme tant d’autres, armes et bombes qu’elles acheminent sans soupçons, filatures qu’elles accomplissent sans trembler. Parce qu’ils sont une bande de copains, à la vie, à la mort.
A l’âge des serments invincibles, tels Thomas Elek et Wolf Wajsbrot, une belle équipe comme sur un terrain de football, panache de Rino della Negra, jeune espoir alors du Red Star. Parce qu’ils ont vu mourir la liberté dans l’Italie de leurs parents, comme Antoine Salvadori, Cesare Luccarini, Amedeo Usseglio, Spartaco Fontano. Parce qu’ils ont vu les hommes de fer s’emparer de la Pologne et persécuter les Juifs, comme Jonas Geduldig, Salomon Schapira et Szlama Grzywacz. Parce qu’ils sont pour beaucoup des anciens des Brigades Internationales en Espagne, pays de Celestino Alfonso. Pour qui sonne le glas ? Pour les Polonais Joseph Epstein et Stanislas Kubacki. Pour les Hongrois Joseph Boczov et Emeric Glasz, eux les experts en sabotage, aux fardeaux de dynamite. Parce qu’ils ont vingt ans, le temps d’apprendre à vivre, le temps d’apprendre à se battre. Ainsi de ces Français refusant le STO, Roger Rouxel, Roger Cloarec et Robert Witchitz.
Parce qu’ils sont communistes, ils ne connaissent rien d’autre que la fraternité humaine, enfants de la Révolution française, guetteurs de la Révolution universelle. Ces 24 noms sont ceux-là, que simplement je cite, mais avec eux tout le cortège des FTP-MOI trop longtemps confinés dans l’oubli.
Oui, parce qu’à prononcer leurs noms sont difficiles, parce qu’ils multiplient les déraillements de train et les attaques contre les nazis, parce que ces combattants sont parvenus à exécuter un haut dignitaire du Reich, les voilà plus traqués que jamais. Dans leurs pas, marchent les inspecteurs de la préfecture de police – la police qui collabore, la police de Bousquet, de Laval, de Pétain – et l’ombre des rafles grandit.
À l’automne 1943, devenu dirigeant militaire des FTP-MOI parisiens, Missak Manouchian le pressent : la fin approche. Pour alerter ses camarades, il se rend au rendez-vous fixé avec son supérieur Joseph Epstein, un matin de novembre. Missak Manouchian avait vu juste : lui et ses camarades sont pris, torturés, jugés dans un procès de propagande organisé par les nazis en février 1944.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? S’ils sont résolument libres, oui. À la barre du tribunal, ils endossent fièrement ce dont leurs juges nazis les accablent, leurs actes, leur communisme, leur vie de Juifs, d’étrangers, insolents, tranquilles, libres. « Vous avez hérité de la nationalité française » lance Missak Manouchian aux policiers collaborateurs. « Nous, nous l’avons méritée ».
Etrangers et nos frères pourtant, Français de préférence, Français d’espérance. Comme les pêcheurs de l’Ile de Sein, comme d’autres jeunes de seize ans, de vingt ans, de trente ans, comme les ombres des maquis de Corrèze, les combattants de Koufra ou les assiégés du Vercors. Français de naissance, Français d’espérance. Ceux qui croyaient au ciel, ceux qui n’y croyaient pas, ceux qui défendaient les Lumières et ne se dérobèrent pas.
Est-ce ainsi que les hommes meurent ? Ce 21 février 1944, ceux-là affrontent la mort. Dans la clairière du Mont Valérien, Missak Manouchian a le cœur qui se fend. Le lendemain, c’est l’anniversaire de son mariage avec Mélinée. Ils n’auront pas d’enfants mais elle aura la vie devant elle. Il vient de tracer ses mots d’amour sur le papier, amour d’une femme jusqu’au don de l’avenir, amour de la France jusqu’au don de sa vie, amour des peuples jusqu’au don du pardon.
« Aujourd’hui, il y a du soleil ». Missak Manouchian est à ce point libre et confiant dans le genre humain qu’il n’est plus que volonté, volonté d’amour. Délié du ressentiment, affranchi du désespoir, certain que le siècle lui rendra justice comme il le fait aujourd’hui, que ses bourreaux seront défaits et que l’humanité triomphera. Car qui meurt pour la liberté universelle a toujours raison devant l’Histoire.
Est-ce ainsi que les hommes meurent ? En tout cas les Hommes libres. En tout cas ces Français d’espérance. « Je ne suis qu’un soldat qui meurt pour la France. Je sais pourquoi je meurs et j’en suis très fier », écrira l’Espagnol Celestino Alfonso avant l’exécution. Et ce 21 février 1944, ce sont bien vingt-deux pactes de sang versé, scellés entre ces destins et la liberté de la France.
Pacte scellé par le sang du sacrifice. Un peu avant, avec la force que leur laissent les mois de torture, ils ont crié, « À bas les nazis, vive le peuple allemand ». Conduits aux poteaux, quatre par quatre, les yeux bandés sauf ceux qui le refusent, tombés, les corps déchiquetés, en six salves. Tombés, comme tombera, fusillé en avril au Mont-Valérien, Joseph Epstein, qui sous la torture ne donnera aucun nom, pas même le sien, démontrant jusqu’au bout son courage. Tombés, comme tombera, tranchée la tête de Golda Bancic, exécutée en mai à l’abri des regards dans une prison de Stuttgart.
Tombés, ils sont tombés et leurs bourreaux voulurent les exécuter à nouveau par la calomnie de la propagande, cette Affiche Rouge qui voulait exciter les peurs et ne fortifia que l’amour. Car les vrais patriotes reconnurent dans ce rouge, le rouge du Tricolore. Rouge des premiers uniformes des soldats de Quatorze, rouge des matins de Valmy, rouge du sang versé pour la France sur lequel miroite toujours une larme de bleu, un éclat de blanc.
C’est ainsi que les hommes, par-delà la mort, survivent. Ils débordent l’existence par la mémoire. Par les vers d’Aragon, par les chansons, celle de Léo Ferré et tant d’autres. Mémoire portée fidèlement par Arsène Tchakarian, ancien des FTP-Moi ou par Antoine Bagdikian, l’un et l’autre dévoués à honorer d’un même élan la Résistance des Arméniens et la Résistance des Juifs en France, portée par tant de passeurs inlassables.
C’est ainsi que les hommes survivent. C’est ainsi que les Grands Hommes, en France, vivent pour l’éternité.
Entrent aujourd’hui au Panthéon vingt-quatre visages parmi ceux des FTP-MOI. Vingt-quatre visages parmi les centaines de combattants et otages, fusillés comme eux dans la clairière du Mont-Valérien, que j’ai décidé de tous reconnaître comme morts pour la France. Oui, la France de 2024 se devait d’honorer ceux qui furent vingt-quatre fois la France. Les honorer dans nos cœurs, dans notre recueillement, dans l’esprit des jeunes Français venus ici pour songer à cette autre jeunesse passée avant elle, étrangère, juive, communiste, résistante, jeunesse de France, gardienne d’une part de la noblesse du monde.
Missak Manouchian, vous entrez ici en soldat, avec vos camarades, ceux de l’Affiche, du Mont-Valérien, avec Golda, avec Joseph et avec tous vos frères d’armes morts pour la France. Vous rejoignez avec eux les Résistants au Panthéon. L’ordre de la nuit est désormais complet.
Missak Manouchian, vous entrez ici toujours ivre de vos rêves : l’Arménie délivrée du chagrin, l’Europe fraternelle, l’idéal communiste, la justice, la dignité, l’humanité, rêves français, rêves universels.
Missak Manouchian, vous entrez ici avec Mélinée. En poète qui dit l’amour heureux. Amour de la Liberté malgré les prisons, la torture et la mort ; amour de la France, malgré les refus, les trahisons ; amour des Hommes, de ceux qui sont morts et de ceux qui sont à naître.
Aujourd’hui, ce n’est plus le soleil d’hiver sur la colline ; il pleut sur Paris et la France, reconnaissante, vous accueille. Missak et Mélinée, destins d’Arménie et de France, amour enfin retrouvé. Missak, les vingt et trois, et avec eux tous les autres, enfin célébrés. L’amour et la liberté, pour l’éternité.
Vive la République. Vive la France. Publié le 21 février 2024
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