Le Rapport Oxfam 2023 : Depuis 2020, les 1 % les plus riches ont capté près de deux fois plus de richesses que le reste de l’humanité !
Pour la première fois en 25 ans, selon le Rapport Oxfam 2023 sur les inégalités mondiales, la pauvreté gagne du terrain. Mais parallèlement, d’autres profitent de ces crises multiples. Les plus fortuné·es se sont considérablement enrichi·es, et les bénéfices des entreprises ont atteint des sommets, provoquant une explosion des inégalités.
Dans ce nouveau rapport on peut lire que les 1 % les plus riches ont accaparé près des deux tiers des 42 000 milliards de dollars de nouvelles richesses créées depuis 2020, soit près de deux fois plus que les 99 % restant. Aujourd’hui, les 1% les plus riches de la planète possèdent près de la moitié des richesses mondiales.
« La loi du plus riche » sera publiée le jour de l’ouverture du Forum économique mondial à Davos, en Suisse. Les élites se réuniront dans la station de ski suisse à l’heure où la richesse extrême et l’extrême pauvreté ont augmenté simultanément pour la première fois en 25 ans.
Alors que les milliardaires, les membres des gouvernements et les chef·fes d’entreprise s’envolent pour se réunir au sommet de Davos en Suisse, le monde essuie une série de crises dramatiques, dangereuses et destructrices.
Cette répartition inégale des richesses a pour conséquence d’enfermer des millions de personnes dans la pauvreté et de fracturer nos sociétés. Les concentrations extrêmes de richesse sapent la croissance économique, corrompent la sphère politique et les médias, fragilisent la démocratie et favorisent la polarisation politique. Une nouvelle étude d’Oxfam montre par ailleurs que les plus riches contribuent de manière disproportionnée au dérèglement climatique : un·e milliardaire émet un million de fois plus de carbone qu’un·e citoyen·ne ordinaire
Des milliardaires toujours plus nombreux et de plus en plus riches
Le nombre de milliardaires a été multiplié par 5 en 20 ans (538 en 2001 ; 2775 en 2021). A elles seules, les 5 premières fortunes de France ont doublé leur richesse depuis le début de la pandémie [1] : elles ont gagné 173 milliards d’euros. C’est près de ce que l’Etat a dépensé pour faire face au Covid-19 en un an.
De mars 2020 à octobre 2021, les richesses des grandes fortunes françaises ont bondi de 86%, soit un gain de 236 milliards d’euros. A titre de comparaison, elles avaient augmenté de 231 milliards d’euros en 10 ans, entre 2009 et 2019. Ces 5 milliardaires possèdent désormais autant que les 40% les plus pauvres en France. La France compte aujourd’hui 42 milliardaires, c’est 4 fois plus qu’après la crise financière de 2008. La richesse cumulée de ces milliardaires, s’élève à 544 milliards d’euros. Par exemple, en 2022, le milliardaire Rodolphe Saadé (3e fortune française), PDG et actionnaire majoritaire de l’entreprise de fret maritime CMA-CGM a ainsi vu sa fortune augmenter de 28,5 milliards d’euros.
Plus de la moitié de ces milliardaires ont hérité de leur fortune, et seulement 5 sont des femmes. Avec une fortune de 179 milliards d’euros, Bernard Arnault est désormais l’homme le plus riche de la planète. Sa fortune correspond à l’équivalent de celle de près de 20 millions de Français.es.
En France, 11 milliardaires possèdent des organes de presse représentant plus de 80 % des tirages quotidiens, 57 % des parts de marché de la télévision et 47 % des parts de marché de la radio. La concentration de la propriété des médias entre les mains de quelques ultra-riches et l’influence que cela leur confère sur les termes du débat politique constituent un défi de taille pour les réformes progressistes. Par exemple, l’économiste française Julia Cagé a récemment révélé comment les médias appartenant à l’homme d’affaires milliardaire français Vincent Bolloré avaient accordé un temps d’antenne accru aux invité·es qui défendent les politiques conservatrices, notamment en matière fiscale, défendues par M. Bolloré lui-même
Dans le même temps, un million de personnes seraient tombées dans la pauvreté en France en 2020 selon les associations caritatives. La France dépasserait alors les 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (elles étaient 9,3 millions avant la pandémie). Oxfam a révélé en janvier 2021 que les 1 000 personnes les plus riches du monde ont retrouvé leur niveau richesse d’avant la pandémie en seulement 9 mois alors qu’il pourrait falloir plus de dix ans aux personnes les plus pauvres pour se relever des impacts économiques de la pandémie.
Dans le même temps, la crise a provoqué une intensification de la pauvreté chez celles et ceux qui étaient déjà en difficulté avant la pandémie. Oublié-e-s des plans de relance – les travailleurs précaires (notamment les femmes), les personnes migrantes et les jeunes – ont vu leur situation se détériorer encore davantage. On estime qu’environ 7 à 8 millions de personnes font aujourd’hui appel à l’aide alimentaire, pour vivre , soit 10% de la population française, et 4 millions de personnes supplémentaires sont en situation de vulnérabilité à cause de la crise.
En France, en 2022 le seuil de pauvreté était de 1 102 euros € par mois après transferts sociaux (60% du revenu median). Cette situation concernait 14,8 % de la population, soit 9,3 millions de personnes – 400 000 de plus qu’en 2017. La fréquentation des Restos du cœur a augmenté depuis le mois d’avril dernier, de 12 % d’inscrits supplémentaires, 15 % de familles en plus et une présence d’enfants en bas âge accrue de 25%. Quatre Français.es sur dix ont le sentiment de devoir restreindre leur alimentation tandis que deux Français.es sur dix n’ont pas réussi à payer l’ensemble de leurs factures en 2022.
Près de la moitié de la population mondiale vit avec moins de 5,5 dollars par jour.
Il faut à tout prix sortir du mythe du ruissellement selon lequel l’enrichissement des milliardaires favoriserait celui des populations moins riches. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : aujourd’hui, alors que les milliardaires n’ont jamais été aussi nombreux et aussi riches, près de la moitié de la population mondiale vit avec moins de 5,5 dollars par jour. Il suffit donc d’une mauvaise récolte ou d’une facture de soins médicaux, ou d’une pandémie, pour que ces personnes retombent dans l’extrême pauvreté. Oxfam utilise les chiffres basés sur un niveau de pauvreté à 5,50 dollars plutôt que le chiffre à 1,90 dollar.
D’après la Banque mondiale, si nous ne parvenons pas à combler le fossé entre riches et pauvres, nous ne pourrons pas mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici 2030 et 200 millions de personnes continueront à cette date à subsister avec 1,90 dollar par jour.
Au cours des dernières décennies, les inégalités économiques ont atteint des niveaux extrêmes et dangereux. Elles sont devenues une menace existentielle pour nos sociétés, paralysant notre capacité à mettre fin à la pauvreté, fragilisant la politique et mettant en péril l’avenir de notre planète. Les gouvernements portent une part de responsabilité dans cette explosion des inégalités.
La pandémie a fait reculer l’objectif de parité femmes-hommes à 135 ans, contre 99 ans auparavant. 252 hommes se partagent aujourd’hui plus de richesses que le milliard de filles et de femmes vivant en Afrique, en Amérique latine et aux Caraïbes réunies.
Les analyses indépendantes menées par l’Institut des Politiques Publiques (IPP) confirment que le dernier quinquennat a été un accélérateur des inégalités. Les 1% les plus riches ont vu leur niveau de vie augmenter de 2,8% en moyenne, quand les 5% des ménages les plus modestes ont perdu jusqu’à 0,5% de leur pouvoir d’achat.
Pour Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France : « Pour les milliardaires, la pandémie a été une aubaine. S’ils se sont enrichis, ce n’est pas grâce à la main invisible du marché, ni par les choix stratégiques brillants mais principalement en raison de l’argent public versé sans condition par les gouvernements et les banques centrales dont ils ont pu profiter grâce à une montée en flèche des cours des actions.
« Cette concentration extrême des richesses est le résultat de choix politiques. Avec les 236 milliards supplémentaires engrangés en 19 mois par les milliardaires, on pourrait quadrupler le budget de l’hôpital public ou distribuer un chèque de 3500 euros à chaque Français-e-s ».
Selon Oxfam, le monde devrait tout d’abord chercher à réduire de moitié la concentration des richesses des milliardaires d’ici 2030, à la fois en augmentant les impôts sur les 1 % les plus riches et en adoptant d’autres politiques contre les milliardaires. Cela permettrait de ramener le nombre de milliardaires et leur fortune à leur niveau d’il y a une dizaine d’années, en 2012.
Les calculs d’Oxfam sont fondés sur les données les plus complètes et les plus actuelles disponibles. Les données sur les personnes les plus riches proviennent du classement des milliardaires de Forbes.
D’après le rapport d’Oxfam, si les 1 % les plus riches ont accaparé 54 % des nouvelles richesses mondiales au cours de la dernière décennie, ce chiffre est passé à 63 % durant les deux dernières années. 42 000 milliards de dollars de nouvelles richesses ont été générés entre décembre 2019 et décembre 2021. 26 000 milliards de dollars (63 %) ont été accaparés par les 1 % les plus riches, alors que le reste de l’humanité n’a reçu que 16 000 milliards de dollars (37 %). D’après le Crédit Suisse, toute personne disposant d’une fortune supérieure à 1 million de dollars se situe dans la tranche supérieure des 1 % les plus riches.
Les inégalités mondiales
Oxfam appelle les États à :
- Instaurer un impôt exceptionnel de solidarité sur le patrimoine et une taxe sur les bénéfices exceptionnels des entreprises afin de mettre un terme aux profits de la crise.
- Augmenter de façon permanente l’impôt sur le revenu (travail et capital) des 1 % les plus riches, par exemple pour atteindre un taux minimum de 60 %, avec des taux plus élevés pour les multimillionnaires et les milliardaires. Augmenter en particulier les impôts sur les revenus du capital qui sont soumis à un taux d’imposition moindre que les autres types de revenus.
- Imposer la fortune des ultra-riches à des taux suffisamment élevés pour réduire significativement le nombre de milliardaires et leur fortune, et redistribuer les richesses. Cela passe par l’instauration d’impôts sur la succession, le foncier et le patrimoine net.
La loi du plus riche et les notes méthodologiques expliquant comment Oxfam a compilé les statistiques du Rapport Oxfam 2023 Inégalités mondiales.
La méthodologique du rapport : https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2023/01/Note-methodologique-Oxfam-International.pdf
La méthodologique du Focus France « Les f(r)actures de la crise » : https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2023/01/Note-methodologique-Davos-France-2023-2.pdf
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