Un homme construit ou déconstruit ? Ce que veulent les femmes. Les chiffres clefs !
La déconstruction désigne un processus de réflexion et de prise de recul vis-à-vis de son schéma d’éducation, permettant de s’affranchir petit à petit des normes qui régissent les relations entre hommes et femmes sous le prisme de la domination masculine. Cela peut se traduire dans la vie quotidienne par une répartition plus égalitaire des tâches domestiques et familiales, une meilleure communication conjugale, une sexualité moins centrée sur le plaisir de l’homme et les rapports de domination, des comportements moins sexistes.
En déclarant qu’elle vivait avec « un homme déconstruit » et qu’elle en était ravie, l’écologiste Sandrine Rousseau n’a pas seulement popularisé un concept jusque-là restreint à la sphère féministe : elle s’est aussi attiré un torrent de moqueries et de critiques de la part de commentateurs tendant à présenter la « déconstruction » comme un projet radical d’atteinte à la virilité qui ne serait porté que par une poignée de femmes et d’hommes activistes.
Or, cette enquête menée par l’Ifop pour le compte de Wyylde, un réseau social attentif aux évolutions de la société en matière de sexualité et de conjugalité, s’avère riche en surprises et en enseignements, notamment parce qu’elle montre que ce concept répond aujourd’hui à une aspiration profonde aussi bien de la gent féminine que masculine. Menée auprès d’un échantillon national représentatif de taille conséquente (2 000 personnes âgées de 18 ans et plus), cette étude a en effet le mérite de « déconstruire » les clichés sur l’attachement masculin à certains « rôles de genre » dans la vie comme au lit, même si derrière leurs déclarations de principe, les hommes hétérosexuels – notamment les plus à droite politiquement – sont loin de tous accepter une remise en cause de toutes les formes de domination masculine.
“Je vis avec un homme déconstruit et j’en suis hyper heureuse. Je ne fais pas confiance à des hommes ou femmes qui n’ont pas fait le chemin de la déconstruction“, dit Sandrine Rousseau
Les chiffres clefs
1- Aujourd’hui, la grande majorité des Françaises (70%) souhaitent être en couple avec un « homme déconstruit » mais leur point de vue s’avère très corrélé à leur positionnement politique. En effet, si cette aspiration est partagée par la quasi-totalité des sympathisantes écologistes (92%) ou centristes (89%), elle suscite moins d’enthousiasme à droite (55% chez les sympathisantes LR) et surtout à l’extrême droite : « seules » 42% des sympathisantes de la formation d’Éric Zemmour expriment ce souhait, ce qui est concordance avec les positions de l’auteur du « Premier sexe » sur ces sujets.
2- Dans les faits, les Françaises hétérosexuelles actuellement en couple sont un peu plus de six sur dix (61%) à trouver que leur conjoint actuel est « déconstruit » mais derrière ce chiffre d’ensemble, elles sont loin d’être toutes logées à la même enseigne… Ainsi, si la plupart des jeunes (75%), des cadres (73%) et des sympathisantes EELV (76%) ont des compagnons déconstruits, c’est moins souvent le cas des seniors (43%), des ouvrières (52%) ou des sympathisantes de Reconquête (39%).
3- Ce jugement des femmes sur le degré de déconstruction de leur compagnon recoupe assez bien les dires de ces derniers si l’on juge par la proportion d’hommes en couple à se dire « déconstruit » : 54% en moyenne avec un pic de 78% chez les jeunes hommes de moins de 25 ans. De fortes « poches de résistance » à cette déconstruction persistent néanmoins chez les seniors de plus de 70 ans (55%), les électeurs d’extrême droite (59%) mais aussi les fractions les plus religieuses de la gent masculine telles que les catholiques pratiquants réguliers (71%) ou les musulmans (63%).
4- Derrière une mesure globale encourageante de la déconstruction, certaines pratiques s’avèrent plus résistantes que d’autres. Ainsi, les injonctions corporelles pesant sur le corps des femmes restent encore très fortes dans l’imaginaire masculin : près de la moitié des Français (48%) n’accepteraient pas d’être en couple avec une femme ne respectant pas ces normes. Une résistance plus forte chez les jeunes hommes (51%), plus sensibilisés à l’aspect sociétal de l’égalité hommes-femmes mais encore fortement imprégnés par les diktats de beauté féminine diffusés notamment dans la pornographie.
5- La charge contraceptive dans le couple constitue encore un impensé de la déconstruction et reste l’apanage des femmes, notamment en termes de prise de traitement et d’impact direct sur le corps. En effet, les hommes se montrent plutôt disposés à prendre en charge financièrement une partie de la contraception de leur conjointe (87%), mais sont beaucoup plus réticents à engager leur corps. Alors que la prise par les femmes de la pilule contraceptive et de tous ses effets secondaires est acquis dans l’opinion, le recours à des formes masculines de contraception est loin d’être normalisé : 32% des hommes refusent de prendre des traitements réguliers de contraception comme la pilule masculine ou le slip chauffant.
6- Un autre aspect de la vie intime reste imperméable à la déconstruction : la vie sexuelle et notamment le recours à des pratiques inversant les rôles genrés de pénétrant/pénétré. Ce sont en effet plus de trois quarts des hommes (76%) qui refusent d’expérimenter le plaisir prostatique avec leur partenaire féminine. Dans le détail, 54% des hommes refuseraient de se faire lécher l’anus par leur partenaire, 52% de se faire pénétrer l’anus par le doigt, et 65% par un objet (plug, sextoy). Pour la majorité des hommes, leur propre corps reste un domaine impénétrable, refusant toute forme d’intrusion ou de pénétration – pratique essentiellement associée au corps féminin et aux couples homosexuels.
Les principaux enseignements de l’enquête
A- Un décalage entre l’offre et la demande
Dans leur majorité, les hommes et les femmes tendent à la recherche de rapports hommes-femmes plus déconstruits*, même si cela reste dans des proportions différentes. En effet, quand près de trois quart (70%) des femmes souhaitent être avec un homme déconstruit, les hommes hétérosexuels sont aussi une majorité (57%) à désirer le devenir. Les hommes manifestent à travers ce résultat une certaine conscience des jeux de dominations régissant les rapports entre les hommes et les femmes, notamment dans le cadre de couples hétérosexuels, et également une forme de volonté d’atténuer cette domination. Ces résultats restent toutefois à relativiser puisque cette aspiration ne se diffuse pas homogènement dans toutes les strates de la population masculine. De plus, seulement 17% des hommes expriment un souhait ancré et solide quand les femmes sont quasiment le double (30%) à vouloir « totalement » être avec un homme déconstruit, révélant un écart entre les attentes des premières et les réponses des seconds**
B- Des jeunes hommes plus sensibilisés aux enjeux d’égalité entre les hommes et les femmes
Dans le détail, l’idée de déconstruction n’imprègne avec la même force toutes les générations d’hommes et de femmes : les femmes âgées de 25 à 49 ans, plus nombreuses à être en couple et avec des enfants, s’avèrent les plus enclines à souhaiter la déconstruction de leur conjoint (respectivement 76% et 75%). Chez les hommes, les plus volontaires en matière de déconstruction sont les plus jeunes, plus sensibilisés à ces enjeux d’égalité qui occupent une place plus importante qu’auparavant dans l’agenda politico-médiatique. C’est également chez les plus jeunes que l’alignement entre le souhait des hommes et celui des femmes est le plus net : seulement deux points d’écart contre 15 à 16 points chez les 25-49 ans.
C- Des hommes moins déconstruits que ce qu’ils ne pensent…
Si 72% des femmes en couple souhaitent être avec un homme déconstruit, elles sont 61% à évaluer leur conjoint comme tel, soit un écart de 11 points entre le désir et ce qui est constaté. Du côté des hommes, le différentiel entre souhait et auto-évaluation se réduit : 54% des hommes se considèrent comme déconstruits quand ils sont 57% à le souhaiter. Ces résultats peuvent être d’une part le signe d’une surévaluation par les hommes de leur niveau de déconstruction, et d’autre part peut-être le signe d’une forme de “frustration” des femmes perçoivent les comportements masculins en deçà de leurs attentes.
En effet, si une majorité d’hommes (54%) s’auto-évaluent « déconstruits », l’analyse détaillée des pratiques des hommes en matière de vie conjugale, de rapport au corps des femmes et de sexualité donne à voir une réalité plus mitigée. En effet, 46,6%*** des hommes adoptent réellement des comportements déconstruits, un résultat inférieur au taux d’hommes s’auto-évaluant comme tel, signe que tous les hommes se disant déconstruits ne le sont pas réellement.
Les étapes de la déconstruction : être un homme déconstruit, c’est pas si facile…
Deux tiers des hommes semblent prêts à remettre en cause au moins un des modèles traditionnels au sein de la famille et du couple, à savoir, le fait d’accepter de vivre en couple avec une femme qui aurait des revenus sensiblement supérieurs aux siens (neuf hommes sur dix), de prendre un congés parental pour s’occuper de ses enfants pendant que sa compagne travaille (huit hommes sur dix), ou encore de vivre avec une femme qui effectuerait moins de tâches ménagères qu’eux (huit hommes sur dix environ). Ils sont également deux sur trois à accepter de remettre en cause au moins une des injonctions vestimentaires et esthétiques pesant sur les femmes, telles que le fait d’être avec une femme qui aurait l’habitude de ne pas se maquiller pour sortir, ou encore de sortir avec un décolleté plongeant, une robe courte ou une mini-jupe sans être en leur compagnie.
Les jeunes hommes âgés de 18 à 24 ans semblent en revanche plus nombreux (42%) à éprouver des difficultés à accorder au moins une forme d’attention plus importante au plaisir féminin. Ainsi, 32% refuseraient d’utiliser un sextoy pour faire jouir plus facilement leur partenaire (contre 27% de l’ensemble des hommes âgés de 18 ans et plus) et 42% refuseraient d’avoir la majorité des rapports sexuels sans aucune pénétration. De même, quatre hommes sur dix refuseraient de remettre en cause au moins une forme de charge contraceptive pesant uniquement sur les femmes. Les jeunes hommes sont par ailleurs plus nombreux (près de deux sur dix) que l’ensemble des hommes (près d’un sur dix) à refuser de partager les frais liés à la contraception et au cycle menstruel des femmes. La contraception constitue en cela la grande oubliée de l’imaginaire déconstruit masculin.
Derrière ces tendances potentiellement encourageantes, les injonctions corporelles pesant sur les femmes restent très marquées, puisque près d’un homme sur deux refuseraient de remettre en cause au moins une de ces injonctions. Ainsi, 45% refuseraient d’avoir des rapports sexuels avec une femme qui aurait l’habitude d’avoir des poils sur les jambes, 47% se refuseraient également à une femme ayant des poils sur les aisselles, ou encore sur le pubis à l’état brut : 40% jusqu’à 44% des jeunes hommes. Le fait de bronzer seins nus constitue également un élément de rejet pour 38% des jeunes hommes, lorsque cela ne concerne que 26% de la population masculine. Ce retour à la pudeur chez les jeunes hommes s’accompagne de la persistance des normes sociales de domination masculine, ou du moins de domination physique, dans la mesure où un quart des jeunes hommes refuserait de sortir avec une femme sensiblement plus grande qu’eux (contre 20% de l’ensemble des hommes).
Enfin, l’ouverture à certaines pratiques sexuelles dégenrées, tel que le plaisir prostatique, ou la remise en cause des normes de conjugalité et d’exclusivité sexuelle constituent encore aujourd’hui de grands tabous pour la gente masculine : 76% des hommes refuseraient au moins une forme de plaisir prostatique et 85% refuseraient de remettre en cause au moins une norme de conjugalité ou d’exclusivité sexuelle.
Les grandes résistances à la déconstruction masculine : un corps à prendre, une parole à libérer
Nous l’avons vu, les exigences masculines vis-à-vis du corps des femmes reste fortes, qu’il s’agisse des injonctions à l’épilation, au fait de ne pas s’exposer seins nus, ou encore d’être réticent à l’idée de sortir avec une femme plus âgée ou plus grande (près de deux hommes sur dix s’y refuseraient). En parallèle, les hommes semblent opérer une distanciation très forte vis-à-vis de leur propre corps, notamment sous l’angle de la sexualité. En effet, trois quarts des hommes refuseraient d’ouvrir le champ de leur sexualité à au moins une forme de plaisir prostatique, qu’il s’agisse d’une pénétration à l’aide d’un objet (sextoy, plug, god), d’une pénétration digitale ou d’une stimulation par voie buccale. La sexualité chez l’homme hétérosexuel semble ainsi se concevoir dans une dimension phallo-centrée, orientée vers le corps d’un tiers, soit le corps féminin. Pour la majorité des hommes, leur propre corps reste un domaine impénétrable, refusant toute forme d’intrusion ou de pénétration – pratique essentiellement associée au corps féminin et aux couples homosexuels. De la même manière, l’utilisation d’un sextoy pour le plaisir de sa partenaire féminine est boudée par près de trois jeunes hommes dix, qui y voient sans doute une concurrence, signe d’une injonction masculine à la performance sexuelle encore bien présente.
Cette mise à distance de leur propre corps couplée à l’injonction à la performance sexuelle a enfin des répercutions sur leur capacité à délivrer la parole sur ces sujets. Ainsi, 37% refuseraient d’admettre leur manque d’expériences sexuelles ou de succès auprès des femmes, ou encore de confier à un(e) amie leurs difficultés d’ordre psychologique, familial ou personnel. Près d’un homme sur deux (47%) refuseraient également de demander de l’aide psychologique auprès d’un professionnel en cas de difficultés.
Profil des hommes déconstruits : qui sont les réfractaires ?
L’observation de ces formes d’affranchissement hors des normes sexistes donne à voir l’émergence de profils plus enclins à la déconstruction. Si la déconstruction est l’affaire de tous, le « reste à faire » ne semble pas le même chez tout le monde. Même chez les hommes âgés de moins de 25 ans (se réclamant davantage que leurs ainés comme déconstruit), certains pans de la population sont plus réfractaires.
Très logiquement, les jeunes hommes se définissant comme « très féministes » adoptent des comportements de fait plus déconstruits, signe que la déconstruction est un enjeu féministe, même pour les hommes. Ainsi, 83% des moins de 25 ans « très féministes » dépassent les modèles traditionnels dans la famille et le couple contre 57% de ceux ne se réclamant pas du féminisme.
Un autre profil de jeunes hommes plus déconstruits, ceux cohabitant avec leur compagne. L’expérience du concubinage semble favoriser les postures déconstruites : 77% de ceux vivant en couple questionnent les normes sexistes de la vie conjugale et familiale quand ils sont 68% chez les jeunes hommes en couple n’habitant pas avec leur conjointe et 59% chez les célibataires.
Toutefois, la déconstruction apparait rapidement comme plus aisée à mettre en place au sein des classes sociales privilégiées. En effet, les jeunes issus de catégories plus populaires tendent à adopter des comportements plus construits : 40% des ouvriers refusent de remettre en question les normes de domination masculine au sein du couple contre 30% des cadres et professions intermédiaires. Ce résultat montre que la déconstruction reste fragile puisque davantage constatée au sein des catégories plus privilégiées et n’apparait pas comme une préoccupation première des plus précaires.
Si on a vu que l’adoption de comportements hors des normes patriarcales était liée à une préoccupation féministe, il semble qu’elle donne également à voir des clivages politiques. De manière générale, l’enquête révèle une appétence plus importante de la gauche pour la déconstruction et donne à voir une résistance plus importante des jeunes hommes se positionnant à droite de l’échiquier politique. Ainsi, les jeunes de centre-droit et d’extrême droite refusent davantage de questionner les normes sexistes régissant les couples et familles (44% pour le centre-droit contre 12% chez les hommes « très à gauche »). De la même manière, les électeurs ayant l’intention de voter pour Eric Zemmour s’avèrent plus réfractaires à la déconstruction : seulement 28% d’entre eux accepteraient « certainement » que leur conjointe paye la note au restaurant (contre 40% de l’ensemble des Français), 27% pourraient être avec une femme plus grande qu’eux (contre 38% de l’ensemble des Français), 7% seraient disposés à ce que leur femme soit en surpoids (contre 18% de l’ensemble des Français).
* Sondage Ifop pour Wyylde – Février 2022. L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 2 003 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus La représentativité de l’échantillon global a été assurée par la méthode des quotas ( âge, profession de la personne interrogée, niveau de scolarisation, statut parental) après stratification par région et catégorie d’agglomération Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto administré en ligne le 27 au 31 janvier 2022
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