L’Infini turbulent de Boris Labbé combine à la fois l’utilisation des techniques numériques de l’image en mouvement et celles particulières au cinéma d’animation.
L’Infini turbulent de Boris Labbé combine à la fois l’utilisation des techniques numériques de l’image en mouvement et celles particulières au cinéma d’animation. Cette exposition rassemble un peu plus de dix ans de pratique et d’expérimentations audiovisuelles de l’artiste.
A l’espace culturel départemental Boris Labbé présente deux de ses premières œuvres d’animation, Il(s) tourne(nt) en rond (2010) et Kyrielle (2011).
Il(s) tourne(nt) en rond est une relecture contemporaine de Kermesse avec Théâtre et Procession de Pieter Bruegel le Jeune (v.1620). Après avoir effacé tous les protagonistes du tableau, le vidéaste a conservé l’arrière-plan pour y incruster sa propre image multipliée en des dizaines d’exemplaires, montée en boucle… jusqu’au malaise.
Kyrielle L’installation vidéo Kyrielle a été réalisée avec 285 dessins à l’aquarelle retravaillés sur ordinateur. Face à un écran blanc, le spectateur est amené à découvrir un monde onirique constitué de personnages colorés qui s’animent au contact les uns des autres, un palindrome jouant à la fois sur la construction et la destruction, l’apparition et la disparition de l’espace et des personnages.
Au Musée des Tapisseries, dans la galerie gothique, Boris Labbé propose une recréation du travail de scénographie réalisé pour le chorégraphe Angelin Preljocaj en 2020 : Le Lac des Cygnes. L’installation vidéo, réagencée, retravaillée, resonorisée, ne garde du titre original que la première partie : Le Lac.
Au premier étage des travaux plus anciens sont présentés, Orogenesis (2016), la vidéo explore les phénomènes de mouvement de terrain et donne à voir comme une hypothèse de la formation des montagnes. Rhizome (2015), inspiré du concept de Deleuze et de Gattari, montre un organisme qui ne trouve jamais sa forme finale mais qui cherche toujours à se renouveler. Sirki (2019), très proche de Rhizome dans son esthétique, est une danse de formes joyeuses directement issues des motifs des kimono Aïnous, ce peuple indigène du Nord du Japon et d’une partie de l’actuelle Russie, que Boris Labbé a pu rencontrer lors d’une résidence de création à Hokkaido en 2018.
Enfin, à l’Église de la Madeleine, “RÉVÉLATIONS”, le mapping projeté sur la façade de l’Eglise conviera trois artistes… Avec tout d’abord le collectif NohLab pour une création audiovisuelle inédite. Une expérience audiovisuelle inspirée de la théorie des jeux combinatoires inventée par le mathématicien John Horton Conway. Un spectacle visuel étonnant, qui nous emmène de l’infiniment petit à l’infini grand, aux frontières de l’espace et du temps. Puis, ces passionnants voyages visuels se prolongeront jusqu’au 24 décembre avec le projet produit en 2015 par le très créatif et regretté Gobi Studio.
Boris Labbé est né en 1987 (France). Il vit et travaille dans le sud-ouest de la France.
Boris Labbé : Interview
Bonjour Boris Labbé,
artsixMic : Dans cette exposition appelée «L’INFINI TURBULENT», l’une des premières phrases de présentation de celle-ci est : « On est entré dans une zone de chocs». Cette zone se fait elle sur le plan de l’imaginaire, de votre imaginaire, d’un imaginaire collectif, ou bien tout simplement dans le réel? C’est à dire, une zone perdue dans un monde qui se cherche et se recherche en permanence!
Boris Labbé : Je crois que la « zone de chocs » est très attractive pour un artiste, c’est la zone où les forces contraires se rencontrent, crée un mélange dont le résultat nous surprend. C’est comme un choc de l’imaginaire, quand les idées s’entrechoquent entres elles. C’est aussi un choc de la matière (comme une réaction chimique, des effets de contamination, les métamorphoses…), matière qui porte en elle-même sa propre instabilité. On peut bien sûr faire l’analogie avec le réel, mis en perspective avec l’histoire, la mémoire collective, la mythologie…
artsixMic : Etes-vous plus particulièrement dans votre travail, dans le domaine du jeu, de la technique, ou est-ce aussi une autre forme pourrait-on dire, une message audiovisuel qui appelle à la contemplation, à l’exploration, à la réflexion?
Boris Labbé : Il est difficile pour moi d’isoler tel ou tel aspect de ma pratique. Je dirais que c’est un peu tout à la fois : du jeu, du sérieux, une réflexion existentielle, une invitation au lâcher prise, à l’imaginaire…Mon travail est parfois contemplatif, avec une certaine lenteur cinématographique, et parfois très turbulent, où l’accélération et la vitesse finit par nous submerger.
La technique a son importance, j’aime inventer des processus, ceux-ci sont développés pour soutenir le propos de tel ou tel projet. Le changement d’une technique à l’autre me permet un certain renouvellement. Enfin, il est important pour moi de créer des œuvres ouvertes et accessibles pour tous, chacun doit pourvoir en tirer sa propre expérience.
artsixMic : Vos animations sont minutieuses, majestueuses, elles montrent une sorte d’absolue nécessité à montrer dans une boucle virale, l’idée que en quelque sorte, il n’y est pas, non plus de fin? Que le phénomène de répétition s’oublie au fur et à mesure du temps qui passe!
Boris Labbé : Je suis quelqu’un de très perfectionniste, c’est peut-être un travers de ma part, mais je cherche toujours une sorte d’absolu, de perfection. Cela m’amène à travailler mes images de manière très minutieuses, délicates, et avec une grande patience car chaque projet émerge après de long mois de travail. La répétition est une manière de voir la vie, avec également toutes ses variations, mais c’est aussi une manière pour moi d’imaginer que le processus créatif ne se terminera jamais, qu’il est infatigable.
Paradoxalement je vais souvent vers l’épuisement des moyens filmiques mis en œuvres. Peut-être est-ce donc une quête d’infini qui devient si diffuse au point qu’on en oublie le mécanisme primordial.
artsixMic : Vous êtes quoi qu’il en soit dans la suggestion, dans l’expérimentation, dans une forme de construction, graphique et animée, qui forment définitivement aujourd’hui votre langage, votre manière d’exprimer et de montrer aux autres, comme une force de proposition, ce que le monde de l’audiovisuel permet aujourd’hui?
Boris Labbé : Le monde audiovisuel actuel est extrêmement vaste, la production augmente toujours plus et il y a mille manières de faire des films ou des vidéos. Pourtant on voit qu’une grande partie de la production audiovisuelle mondiale se calque sur des grands canons de l’industrie du cinéma, avec des variations de pays en pays, et d’auteur en auteur bien sûr.
De mon côté j’ai fait le choix inverse, créer mon propre langage cinématographique (qui d’ailleurs déborde du cadre du cinéma vers les installations, la scénographie, le mapping, etc), et qui correspond exactement à ma manière très personnelle de fabriquer les images et à une certaine vision du monde qui m’est propre (monde intérieur comme monde extérieur).
Pourtant, il faut quand même dire que ma pratique vient du cinéma expérimental, et donc je ne suis pas le premier artiste dans cette lignée, c’est juste que nos propositions sont un peu à côté, à la périphérie du cinéma industriel.
artsixMic : Alors réunir plus de dix ans de pratique et d’expérimentations audiovisuelles en une seule fois, c’est aussi une manière de faire un bilan, mais aussi de présenter au public, le personnage Boris Labbé, dans toute sa splendeur ? Et peut être aussi à la fois de se faire un peu plaisir 😉 ?
Boris Labbé : Oui c’est une vraie chance. J’ai beaucoup montré mon travail par le passé, surtout dans les festivals de cinéma, mais rarement j’ai pu montrer un grand ensemble œuvre à la fois, sur des formes de monstration elles aussi variées. C’est une manière pour moi de faire un bilan, de voir les lignes de forces dans les projets, les répétitions et les ruptures. C’est aussi une manière de reformuler du sens, une narration et une cohérence à l’ensemble.
Merci Boris d’avoir prit le temps de bien vouloir répondre à nos questions
INFORMATIONS
–Espace culturel départemental – 21, bis Mirabeau, Aix-en-Provence 10 nov .21 – 20.fév.22 – accès libre 11h30 – 18h30 (du mercredi au dimanche)
–Musée des Tapisseries, Aix-en-Provence 03.déc.21 – 06.mars.22 10h – 12h30 / 13h30 – 17h (tous les jours sauf le mardi)
–Église de la Madeleine, Aix-en-Provence Mapping de trois artistes : Collectif NohLab, Boris Labbé et Gobi Studio 27.nov.21 – 24.déc.21 Tous les jours de 18h à 21h
Information : www.chroniques.org
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