Vilaines filles : Le livre de Pauline Verduzier est un très beau livre. Il est beau d’abord parce qu’il est bien écrit. L’écriture est douce, les mots précis, les tournures délicates.
Aujourd’hui parler de sexe est encore et toujours un sujet sensible, voire tabou. Alors imaginez, parler des travailleuses du sexe ! C’est pourtant ce que fait Pauline Verduzier, dans son livre Vilaines filles – Les travailleuses du Sexe, les clientes et la journaliste.
Mais en réalité, les travailleuses du sexe, les TDS comme on les appelle, ne sont pas des vilaines filles : elles sont des femmes qui ont décidé de vivre de leurs corps et avec leur corp, d’être libre, de vivre libre et de mettre leur sexualité en harmonie avec beaucoup d’humanité. Et les femmes, quoi qu’en pensent souvent les hommes, aiment aussi le sexe. Certaines décident de vivre une part de leur sexualité autrement, financièrement, intellectuellement, physiquement.
Alors se pose la question de savoir si ces femmes sont respectables, si elles sont convenables. Pour moi, la question ne devrait même pas se poser. Qu’est-ce qui dérange ici ? Pourquoi ne pas respecter ces femmes, mais aussi ces hommes qui ont décidé de s’assumer dans le métier de TDS ? Ce ne sont pas tellement le ou la travailleur(se) qui dérange, mais les rapport entre le sexe et l’argent, la domination sur l’autre, la domination de l’autre, les liens aux clients. Ce qui dérange, c’est d’ailleurs souvent plus les clients que les TDS, ces clients qui se permettent de monnayer une prestation et d’en demander davantage, sans considération pour le travail fourni. Les TDS, elles, sont souvent des personnes remarquables qui donnent d’elles-mêmes à la société et apportent plaisir et bien-être.
Pauline Verduzier, parle de ces femmes qui ont choisi pour de multiples raisons d’être des professionnelles du sexe, et tant mieux pour tout le monde. Pauline Verduzier ne parle ici ni de l’esclavage sexuel, ni de la prostitution générée par des usurpateurs de la vie d’autrui. C’est là un tout autre sujet. Ce livre est un livre d’informations qui dit aussi l’importance de la vie des TDS dans nos vies, et tout le respect dont elles devraient bénéficier, de notre part mais aussi de la part de nos dirigeants. Le sexe fait fondamentalement partie de notre monde et nous ferions bien d’en parler davantage, de mieux l’intégrer dans nos vies et de rejeter toute norme le concernant.
Comme le dit Barbara Polla, le livre de Pauline Verduzier est un beau livre, qui nous rappelle à juste titre certaines réalités du sexe, ici et aujourd’hui. À lire absolument !
Le pitch :
La classification sociale des femmes en fonction de leur sexualité réelle ou supposée opère une distinction entre les « convenables » et les « indécentes ». Du côté des mauvaises filles, on trouve notamment les travailleuses du sexe. Des personnes invisibilisées ou représentées de manière stigmatisante, a fortiori en temps de pandémie. Il y a aussi les clientes du travail du sexe, qui existent et qui remettent en question le marché traditionnel de la séduction hétérosexuelle. À leur contact, l’autrice-journaliste interroge sa propre socialisation en tant que femme et les représentations médiatiques de la prostitution. Avec ses interlocutrices, elle entend dénoncer l’injonction à la « respectabilité » qui pèse sur les femmes. Les récits de ces travailleuses et de ces clientes – celles qui ont accepté de se livrer – permettent aussi de documenter l’état des rapports de genre et des normes sexuelles en 2020.
Vilaines filles. Les travailleuses du Sexe, les clientes et la journaliste.
Le livre de Pauline Verduzier est un très beau livre.
Il est beau d’abord parce qu’il est bien écrit. L’écriture est douce, les mots précis, les tournures délicates. Aucune moralité, aucune vulgarité, aucune lourdeur, rien de prescrit. Ce livre parle d’amour et de respect, à commencer par l’amour et le respect de la langue française. Un livre agréable à lire, au rythme de la vie : des rencontres, et des rencontres avec soi.
Il est beau ensuite pour ces rencontres avec soi. Pauline Verduzier a pris le parti de nous parler d’elle, de son intimité, de ses sentiments, de sa vie, dans un équilibre à la fois habile et sain avec tout ce qu’elle nous dit de la vie des autres, un équilibre, lui aussi, respectueux. C’est en effet respecter la sexualité des travailleuses du sexe (les TDS) que de parler de sa propre sexualité en la mettant sur le même plan, dans un rythme sans rupture.
Il est beau, enfin, parce qu’il est vrai. Ce livre est basé sur la vie, la réalité de chacune, il n’enjolive pas les laideurs, il ne cache pas la misère, mais il met en lumière autant la liberté que les entraves des travailleuses du sexe, des clientes et de la journaliste. Ce livre est intelligent.
Ce qu’il nous recommande, en filigrane, c’est d’écouter toutes les voix de femmes. En se plaçant sur pied d’égalité avec les TDS, sans hiérarchie, Pauline Verduzier, la « gentille fille » comme elle se décrit, la journaliste a « une tête à travailler avec nous » – mot de bienvenue d’un groupe de TDS observées et interviewées en Suisse. Écouter toutes les voix de femmes, donc, même si, dans cet ouvrage, Pauline Verduzier se concentre sur celles qui pratiquent le travail du sexe par choix. D’autres livres parlent plus en détail de la misère noire des esclaves sexuelles. Mais l’approche de Pauline Verduzier n’est pas le fait de l’ignorance : tout simplement la journaliste a voulu nous faire entendre des voix que l’on entent peu. Des voix qui nous amènent à reconsidérer nos perspectives sur les femmes, les hommes, les autres, la sexualité et nous. Barbara Polla, le 2 décembre 2020.
- Broché : 221 pages
- ISBN-10 : 284337989X
- ISBN-13 : 978-2843379895
- Dimensions : 14 x 1.8 x 20.4 cm
- Éditeur : Editions Anne Carrière
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