« Let’s Get Wasted ». Perdons-nous. Dans son inspiration, dans ses sources, dans sa raison d’être. Celle de respirer les choses de la vie que Troy Henriksen transforme en langage. « Let’s Get Wasted », perdons-nous, dans une nouvelle aventure.
« Let’s Get Wasted ». C’est être dans la tête de l’artiste, dans ce qu’il regarde, la manière dont il perçoit les choses qui l’entourent. « Let’s Get Wasted ». C’est une clé d’accès à sa perception du réel.
Il utilise des déclencheurs, des photographies prises à l’ouest et à l’est, mélangeant le passé et le présent. Des photographies comme on regarde la vie, comme il la regarde. L’église où se sont mariés ses parents, un chalutier comme celui où il embarquât à douze ans, le mariage improbable d’un cycliste blanc et d’une petite fille noire dans un quartier chaud de Boston, la maison d’un dealer, son fils déguisé, la sublime Loulou transformée en sirène…
Ce regard photographié, imprimé sur de grandes feuilles est associé à un autre regard de l’artiste : pictural, celui-là. De là va jaillir l’histoire. Celle qu’il va dessiner, celle qu’il va peindre.Comme un scénario de film, une partition de musique. Celle qu’il écoute quand il rêve, quand il peint. C’est à la fois une œuvre et un reportage.
Nous voyageons dans l’esprit de l’artiste, très proche de ses souvenirs les plus profonds, les plus privés. Les premières pièces m’ont fait penser à ma découverte de Kerouac, à sa suite d’artistes et d’amis on the road, Burroughs, Ginsberg, Corso… Les collages m’ont fait replonger dans mes premières découvertes à New York de Rauschenberg.
Lorsque Troy m’a invité dans son atelier, plutôt que de me montrer ses premières pièces il me les a racontées, comme s’il inventait un nouveau langage. Un langage de liberté, de spontanéité, de mariages inconscients. On est proche du dessin « direct from the soul ». Chaque toile est une nouvelle histoire. J’ai été embarqué dès la première : une œuvre inspirée de son voyage à Rome avec la photographie du Colisée parcourue par un dessin à la craie blanche d’un cheval, celui de Léonard da Vinci.
Les visites se sont succédées et ont conforté mon impression première. Troy m’a raconté comment les pièces prenaient naissance. «C’est comme si j’allais acheter un poisson de l’autre côté de la rue. Je le sers à une amie que j’invite à dîner, cette amie s’étrangle avec une arête, j’appelle un médecin pour la soigner et les voisins débarquent dans l’appartement. Tout commence avec un objet associé à une personne qui, de cause à effet, crée un événement. C’est cette histoire que je vais raconter en mots, traduits en couleurs et en traits, puisque c’est mon médium.».
Cette exposition, c’est comme écrire avec lui un livre. Je passe du rôle de galeriste, de passeur, à celui d’éditeur. Troy Henriksen pousse plus loin qu’il ne l’a jamais fait sa poésie et sa liberté. Je suis fier et heureux d’écrire à ses côtés ce chapitre clé de notre histoire longue et mouvementée. Et de notre amitié. Troy vient d’ouvrir ici une nouvelle porte. Il y en aura d’autres. Eric Landau
- Exposition du 7 juin au 14 juillet 2013
- Vernissage mardi 11 juin 19h-22h
Galerie W
44 rue Lepic 75018 Paris
TROY HENRIKSEN / LET’S GET WASTED