Boris Charmatz, directeur du Centre chorégraphique national de Rennes, nous convie à une ballade nomade en plein cœur de Paris. Après le Museum of Modern Art de New York et la Tate Modern à Londres, c’est à travers 11 lieux du prestigieux Opéra Garnier que se déroule cette traversée de l’histoire de la danse.
« C’est une sorte d’exposition vivante », explique Boris Charmatz, « C’est un peu comme se balader dans les studios de l’opéra, au moment où des danseurs répètent sur des musiques différentes: on voit le travail de la danse. Pour les visiteurs, c’est une grosse différence: on n’est pas assis face à la grande scène, on est tout à coup à deux mètres du danseur, on peut lui parler ». Le public peut ainsi librement déambuler dans l’escalier, les couloirs, ou sur les balcons, à la rencontre de cette vingtaine de danseurs parmi lesquels l’étoile Benjamin Puech. Chacun y exécute 3 ou 4 solos, de Nijinski à Merce Cunningham, de Noureev à Michael Jackson, de Balanchine à John Travolta et de Pina Bausch au flamenco.
Benjamin Puech exécute sous le grand escalier de Garnier un spectaculaire « Spectre de la rose », ballet de Michel Fokine qui a été dansé par Nijinski, en baskets et jogging. « Quand je danse sur du marbre, je ne peux pas sauter comme sur le plancher d’une scène, donc l’enjeu c’est plutôt de rester dans une fidélité artistique, d’être au plus proche de ce que le chorégraphe avait voulu à l’époque » explique l’étoile ; « Je m’en vais à la retraite (42 ans à l’opéra) dans six mois, donc je trouve que c’est un trait d’union assez joli de déplacer le spectacle de la scène à la salle » ajoute-t-il.
A coté de l’étoile et des premiers danseurs habitués aux solos, beaucoup de jeunes qui ne dansent habituellement qu’en formation, offrent ici au public leurs premiers solos. Juliette Gernez virevolte ainsi sur des airs de music-hall dans une jupe à damier très “années 50”, tandis que Marion Gautier de Charnacé et Caroline Osmont évoluent en baskets sur du hip hop habituellement réservé aux boîtes de nuit plutôt qu’à l’opéra. Les styles, les époques et les musiques s’entremêlent ; or, ce ne sont pas des spécialistes de chaque danse qui les exécutent mais les danseurs classiques du corps de ballet de l’Opéra, formés pour cette occasion par une quinzaine d’intervenants extérieurs.
Tous les danseurs ont l’air heureux d’avoir déserté la scène pour s’approprier l’ Opéra, nouvel exercice empli de difficultés comme l’explique Boris Charmatz : ” Les danseurs se mettent en danger, ce n’est pas forcément leur répertoire habituel, ils n’ont pas de sol de danse, certains sont sur du marbre ou des planchers glissants“, observe-t-il. “Et puis quand on les voit de près, ils sont plus exposés que sur scène, on voit leur fatigue, on voit que ça vacille … c’est un autre regard sur la danse » ! Le talent des danseurs conjugué à leur bonheur de danser transforme l’Opéra en un palais de grâce et de joie. C’est inédit, c’est tout simplement superbe. “20 danseurs pour le XXe siècle“, du 25 septembre au 11 octobre à l’Opéra Garnier au tarif unique de 15 euros.